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Wednesday, June 8, 2011

La stigmatisation

Par Christian Ducasse

(Sur l’air de la dame en bleu) : à cause d’un regard, j’aime les toiles en bleu. (Je n’y peux rien c’est ma couleur préférée !)

Le mot «regard» est défini comme une manière de diriger les yeux vers un objet afin de le voir.

Depuis 2 semaines, je jongle avec les mots et les images pour écrire mon article. Je souhaite parler de la stigmatisation chez
les usagers des services en santé mentale, d’exclusion
sociale, d’étiquette, de préjugés, d’ignorance. Dans le mot stigmatisation, il y a une notion de jugement, de condamnation, d’opinion qui est souvent injuste, la plupart du temps inexacte, quelquefois définitive, mais la plupart du temps, réductrice.

Depuis 2 semaines, je suis confronté à des situations où je vois mes frères et mes sœurs, les humains, exprimer des opinions ou avoir des comportements remplis de préjugés ou d’ignorances envers les personnes qui comme moi, ont une étiquette, soit des personnes qui souffrent d’une maladie mentale.

La semaine dernière, un visiteur de notre centre en visite officielle, un homme bien, rempli de bonne
volonté, s’émerveille de mon centre de réhabilitation, le centre Wellington de Verdun. Puis je comprends la raison de son émerveillement, je constate qu’il s’adresse à moi et à deux amis du centre à la manière d’un adulte qui parle à un enfant. Je crois que le monsieur pense que « notre centre est merveilleux et accueillant pour un centre de déficients intellectuels. » Le hic est que notre centre s’adresse à des gens qui vivent ou ont vécus des épisodes de maladie mentale, pas spécifiquement à des personnes qui ont des déficiences intellectuelles, mais plutôt à des gens qui à un moment de leur vie, ont perdu pied et ont vu leur cerveau faire des siennes, mais qui par la suite, dans un processus appelé rétablissement, retrouveront leurs moyens.

Ensuite, un restaurateur du coin s’est montré tout surpris : « Toi, tu fréquentes le centre Wellington, mais tu as l’air correct, tu as l’air fonctionnel », sous entendu : tu n’as pas l’air psychiatrique ou tu as l’air normal. Mais qui est véritablement normal ?

Cette semaine, je parle à une personne de notre institution de la stigmatisation en santé mentale. Elle me parle aussitôt d’une situation actuelle qui est inédite et incompréhensible pour elle. Un professionnel en santé mentale d’un hôpital spécialisé en santé mentale refuse à un usager de notre centre, une personne en situation stabilisée, une personne autonome, de visiter un ami actuellement hospitalisé à un hôpital spécialisé en santé mentale. La raison évoquée: « un usager du centre Wellington est considéré comme un patient encore sous la responsabilité de l’hôpital. » Je comprends que notre usagé est considéré pas assez autonome, pas assez responsable, pas assez stable, pas assez je ne sais quoi, pas assez normal pour visiter un ami hospitalisé. Mon interlocuteur m’indique: « si même les professionnels en santé mentale discriminent et stigmatisent les usagers de notre centre, comment se surprendre si les autres gens, qui sont moins informés, moins connaisseurs de la question, étiquettent, discriminent, stigmatisent les utilisateurs de service en santé mentale. »

Puis hier, ce fut la révélation. Nous avons procédé à l’accrochage de 41 œuvres d’arts. Je vous raconte : tout le mois de juin, l’espace 107 de notre centre expose les œuvres de mes amis les « Impatients du centre Wellington de Verdun ». Ce sont les œuvres d’arts (dessins et peintures) de mes compagnes et compagnons d’activités et de travail.

En regardant l’accrochage, j’ai vécu un moment de fraicheur, de grâce, presque de béatitude ! (Ok, j’exagère!) Et oui, j’ai vécu une expérience de beauté ! Je suis tombé sous le charme de touts les œuvres de mes amis (et surtout celles en bleu, je n’y peux rien, c’est ma couleur préférée!) Des œuvres, qui individuellement, sont jolis, mais qui misent ensemble acquièrent un charme, une force, une poésie remarquable.

J’ai alors, en un instant, changé l’étiquette de mes compagnes et mes compagnons du centre Wellington, d’usagers de services en santé mentale, ils sont devenus des artistes, des artisans, des créateurs de beauté, des gens qui sont beaux, talentueux, qui ont des choses à raconter, des citoyens à part entière quoi !

Je suis maintenant amoureux d’eux (ok, j’exagère!) Je vous suggère donc de fredonner avec moi (sur l’air des yeux bleus de Roger Whittaker): « Tout les amoureux du monde ont les yeux bleus, tout les amoureux du monde ont le ciel au fond des yeux, regardez sur leur visage, pas un seul petit nuage, tous les amoureux du monde ont les yeux bleus…(je n’y peut rien, c’est ma couleur préférée !)

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